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J’ai appris à monter plus vite que le sol se dérobe. J’hésite moins. Je sais déceler les bruits, repérer les traces, sentir les odeurs. Certains parlent d’instinct. Selon moi, ce sont des signes que la montagne m’envoie, malgré les tourments, les déchirements, les glissements, les éboulements, les contractions, les secousses qui l’agitent de toutes parts. Elle me dit où je dois poser la main, enfoncer le piolet et creuser la marche qui lui plaira. Pourquoi ? Je ne sais pas. J’obéis. Peut-être veut-elle me conduire, me montrer ce que je cherche, me perdre, me faire rêver? La plupart des grimpeurs évitent d’y penser, le rêve est dangereux. Dans la montée, il vaut mieux garder les poings serrés et le coeur froid. Mais comment ne pas rêver ? On dit que, tout en haut, des murs bleus vous protègent, qu’une moquette fleurie d’étoiles s’étale sous vos pieds, douce comme une herbe, que la rampe vous tient la main comme le ferait une mère. On dit qu’à chaque marche, le sol y ralentit son enfoncement continuel, et, qu’au plus haut, les fissures se referment, le pied ne glisse plus, la main, les yeux, le coeur peuvent enfin s’ouvrir sans crainte. Se pourrait-il que la légende dise vrai? Que cette partie du monde soit sauvée et flotte, comme une bouteille sans bouchon, sur la boue noire de ce triste univers qui nous emporte vers le fond?
MD-2012
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